Mais quel est le montant réel du projet de la coalition de gauche en matière d’impôts, ce chiffre n’ayant guère été l’objet de débats pour le moment ? Une plongée dans les chiffres du programme – qui se base sur celui de La France insoumise déjà détaillé durant la présidentielle – montre que la facture globale est d’au moins 160 milliards d’euros. Un niveau inédit dans l’histoire récente de la France.
Une hausse fiscale de 6 points de PIB
« Ce montant d’environ 160 milliards traduit le choc fiscal redistributif que nous voulons opérer, qui doit notamment permettre de rompre avec la politique de l’offre pour aller vers une politique économique centrée sur la demande », assume Eric Berr, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux et membre du parlement de la Nupes. Jusqu’ici, c’est surtout le chiffre avancé pour l’augmentation des dépenses publiques – 250 milliards, un chiffre en volume (hors effet de l’inflation) contrairement à ce qu’a avancé l’économiste Thomas Piketty – qui avait frappé les esprits. Tout cela est censé être financé par 267 milliards de recettes nouvelles, grâce notamment au surcroît d’activité généré par la relance, selon les représentants de la Nupes. Mais la grande partie proviendra avant tout de 160 milliards de nouveaux prélèvements obligatoires. « Cela représente 6 points de PIB, ça n’a jamais été fait ou testé auparavant. C’est une aventure, une expérience en dehors des champs de validité des modèles économiques, avec beaucoup de risques à la clé », estime François Ecalle, ancien magistrat à la Cour des Comptes et responsable du site Fipeco. A titre de comparaison, lors du ras-le-bol fiscal des années 2011-2013, la flambée des impôts avait représenté plus de 70 milliards, facture ramenée à une cinquantaine de milliards avant le début du quinquennat Macron.
Ardoise fiscale
Durant cette dernière décennie, l’effort avait été porté par les ménages – les plus aisés avant tout, selon l’OFCE – la politique de l’offre menée sous François Hollande ayant progressivement effacé l’ardoise fiscale pour les entreprises. La logique est différente avec la Nupes, qui veut faire payer deux tiers de la facture (plus de 110 milliards) par les entreprises. Cela laisse tout de même près de 50 milliards pour les ménages – les plus aisés, selon la coalition – avec une refonte de l’impôt sur le revenu et une hausse de 28,5 milliards de la fiscalité sur le patrimoine. Ce chiffre ne tient pas compte de la hausse de 1,25 point des cotisations retraite pour financer la retraite à 60 ans. « L’idée n’est pas de martyriser les entreprises, mais de dire que l’effort ne doit pas peser seulement sur les ménages. En outre cela touchera avant tout les grandes entreprises, les PME étant épargnées », assure Eric Berr. Au menu, la coalition prévoit la mise en place d’un barème de l’impôt sur les sociétés progressif (avec le retour à 33 % quand le bénéfice dépasse 500.000 euros) qui rapportera 11 milliards. Une taxe sur les surprofits de crise est promise, sans montant associé.
Fin du CICE
Un impôt universel sur les entreprises – pour taxer l’évasion fiscale – est aussi prévu, rapportant pas moins de 26 milliards. « Je ne vois pas comment cela se fait, il faut la coopération des autres pays comme avec ce qui a été négocié dans le cadre de l’OCDE », note François Ecalle. Tarte à la crème de tous les programmes électoraux cette année, la lutte contre la fraude fiscale doit générer 26 milliards – un montant jugé irréaliste par tous les experts. Surtout la Nupes prévoit de supprimer pour plus de 40 milliards d’euros de niches fiscales « injustes socialement ou nuisibles économiquement », avec notamment les 22 milliards du CICE (devenu depuis une baisse pérenne de charges) et 7,7 milliards de crédit impôt recherche. « Tout cela ne va pas dans le sens de la compétitivité et de l’attractivité. On voit mal comment une telle stratégie est compatible avec une politique de réindustrialisation et de transition énergétique et numérique de l’économie », répond Emmanuel Jessua, directeur des études de Rexecode, un institut proche du patronat.