Posté à 17h00
Le Festival du film de Québec (FCVQ) a ouvert le tapis rouge au réalisateur Oliver Stone, qui a été critiqué pour avoir récemment mené une série d’entrevues flatteuses avec Vladimir Poutine. La FCVQ est fière de cette belle visite d’Hollywood au moment où le seigneur du Kremlin mène une guerre sanglante en Ukraine. Disons-le de cette façon : nous avons déjà vu un meilleur timing. Ce mercredi après-midi, le public est invité à entendre le réalisateur américain s’entretenir avec l’ancien journaliste Jean-François Lépine au Diamant, un « événement iconique qui fera briller les étoiles aux yeux de tous les cinéphiles à la Capitale-Nationale FCVQ promet. Entrée : de 67 $ à 96 $. Il me semble que cela coûte trop cher d’entendre ce tristement célèbre théoricien du complot prétendre que les Ukrainiens le voulaient, que l’OTAN a défié Poutine et que la Russie devait se défendre. Cela coûte cher d’entendre Oliver Stone dire que Vladimir Poutine est un homme “raisonnable, calme” qui a toujours agi “dans l’intérêt du peuple russe”, comme le disait encore le réalisateur fin avril à Barcelone. Si le public a de la chance, il entendra le célèbre réalisateur noter au passage, dans les airs rien, qu’un nombre impressionnant d’Ukrainiens ont combattu pour Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale… Un conseil pour les cinéphiles de Québec : si vous payez ce prix pour de la propagande pro-Kremlin, rendez-vous directement aux quatre heures d’entrevues avec Stone de Poutine en 2017. C’est gratuit sur YouTube. Lundi, le directeur de la FCVQ, Martin Genois, a livré l’argument habituel au Soleil : il faut séparer le travail humain. “Nous appelons le directeur. C’est ce qui nous intéresse avant tout. Nous sommes un événement cinématographique. » Martin Genois disait pourtant exactement le contraire sur Radio Canada le 20 avril : « Ce qui nous intéresse, c’est de parler de cinéma, mais aussi de gens. Au-delà du film, on veut découvrir ce qui l’inspire, ce qui le motive. » Doit être lié : a-t-on appelé le réalisateur ou l’homme ? Le réalisateur a fait de grands films. Sans aucun doute. Escadron, Wall Street, né le 4 juillet, The Doors… Mais Oliver Stone n’a pas fait de tels films depuis longtemps. Il a réalisé des documentaires – et s’est spécialisé dans les portraits admiratifs d’autoritaires de toutes sortes, dont Fidel Castro et Hugo Chavez. L’une de ses plus récentes contributions au cinéma est une série de huit (!) Entretiens avec Noursoultan Nazarbaïev, qui se targue d’imposer une “dictature éclairée” au peuple du Kazakhstan depuis 29 ans. En 2016, Oliver Stone a également collaboré à Ukraine on Fire, un film de propagande très populaire en Russie, selon lequel la CIA aurait orchestré la révolution ukrainienne de 2014… Sachant tout cela, comment croire à la vérité du “documentaire” sur l’assassinat de John F. Kennedy que le réalisateur de 75 ans est venu présenter au Québec ? JFK Revisited – Through the Looking Glass joue une intrigue usée. Le film affirme que, oui, oui, le président démocrate a été assassiné par la CIA, avec le soutien du complexe militaro-industriel américain. “Les théories du complot sont désormais des théories du complot”, a déclaré Stone à la bande-annonce. C’est marrant, je ne parierais pas ma chemise dessus. Si des millions d’Américains sont aujourd’hui convaincus que la CIA a éliminé JFK, c’est principalement grâce à une opération de désinformation à grande échelle menée par le KGB, explique l’historien Tim Weiner dans le magazine Rolling Stone. Mais c’est aussi, en grande partie, dû à l’un des pires films révisionnistes de l’histoire du cinéma : Oliver Stone (1991) JFK..
“Je ne suis pas favorable à ce qu’on refuse d’interviewer des gens parce qu’ils ont fait X ou Y”, a déclaré Jean-François Lépine au Sun. Oliver Stone, a-t-il ajouté, est une “victime du courant d’éveil”. Personne ne demande à M. Lépine d’annuler son entrevue. Mais il faut le dire comme ça : ce soir, il affrontera une personne qui a gagné de l’argent en répandant des théories du complot non prouvées et des mensonges terriblement toxiques pendant des décennies. Une figure qui n’hésite pas à user de toute son influence pour tenter de restaurer des dictateurs, dont Vladimir Poutine. Tout cela pendant que les soldats russes bombardent des villes et massacrent des civils en Ukraine. Alors oui, dans ce contexte “l’événement phare” peut avoir quelque chose d’indécent. Et le réveil n’aura rien à voir là-dedans.